Le Cabinet 109 Avocats a introduit, avec succès, un recours en révision devant une Chambre disciplinaire de première instance de l’Ordre des médecins.
Contexte
Le cabinet était saisi au début du mois de février 2024 par un médecin généraliste, fraichement condamné par une Chambre disciplinaire de première instance à la sanction de l’interdiction d’exercer la médecine pour une durée de trois mois dont un mois ferme.
Ce praticien avait fait l’objet d’une plainte disciplinaire émanant du fils de l’un de ses anciens patients, fondée sur son refus de se déplacer au domicile de la maitresse dudit patient pour constater son décès.
Il s’agissait d’une affaire des plus rocambolesque, dans laquelle le patient, mourant, avait souhaité s’éteindre dans le lit de sa maîtresse. Malheureusement décédé dans l’ambulance privée l’acheminant chez celle-ci, son corps avait tout de même été déposé au domicile par l’ambulancier. C’est dans ce contexte très particulier que le médecin traitant avait été contacté pour établir un certificat, et avait opposé une fin de non-recevoir.
Le praticien s’était défendu seul dans la procédure devant la CDPI et s’était abstenu de se présenter à l’audience.
Il avait cependant produit un écrit dans lequel il faisait notamment observer que le plaignant avait fait l’objet d’une garde à vue et d’une mise en examen dans le cadre du décès de son père.
Ce courrier a fait l’objet d’une réponse du plaignant, lequel indiquait par écrit de façon très précise n’avoir jamais fait l’objet de la moindre poursuite pénale. Il complétait ses griefs en indiquant que l’affirmation du praticien constituait une atteinte à son honneur.
La CDPI a estimé que deux types de manquements étaient caractérisés :
Un manquement aux articles R. 4127-76 et R. 4127-51 du Code de la santé publique en raison du refus de se déplacer au domicile ;
Un manquement à l’article R. 4127-3 du Code de la santé publique pour avoir allégué, dans un mémoire, que le plaignant avait fait l’objet d’une garde à vue et d’une mise en examen dans le cadre du décès de son père. La Chambre considérant qu’il s’agissait alors d’une atteinte à l’honneur du plaignant.
Le praticien, toujours non assisté, a interjeté appel de cette décision, appel qui s’est avéré tardif et qui a été rejeté par la Chambre disciplinaire nationale de l’ordre des médecins. La décision de la CDPI était donc devenue définitive.
Saisi de cette situation, le Cabinet a tenté le tout pour le tout en introduisant un recours en révision de la décision, fondé sur des éléments obtenus postérieurement au jugement et démontrant que le plaignant avait bien fait l’objet d’une garde à vue, puis d’une mise en examen.
Difficultés techniques
L’article R. 4126-53 du Code de la santé publique dispose que :
« La révision d'une décision définitive de la chambre disciplinaire de première instance ou de la chambre disciplinaire nationale portant interdiction temporaire d'exercer avec ou sans sursis ou radiation du tableau de l'ordre peut être demandée par le praticien objet de la sanction :
1° S'il a été condamné sur pièces fausses ou sur le témoignage écrit ou oral d'une personne poursuivie et condamnée postérieurement pour faux témoignage contre le praticien ;
2° S'il a été condamné faute d'avoir produit une pièce décisive qui était retenue par la partie adverse ;
3° Si, après le prononcé de la décision, un fait vient à se produire ou à se révéler ou lorsque des pièces, inconnues lors des débats, sont produites, de nature à établir l'innocence de ce praticien. »
La recevabilité du recours en révision était loin d’être certaine au regard des faits de l’espèce.
Si les pièces obtenues permettaient aisément de démontrer que le plaignant avait sciemment menti à la Chambre disciplinaire, celui-ci n’avait pas été condamné pour ces faits.
En outre, aucun fait nouveau ne s’était produit ou révélé postérieurement aux débats.
Seule une pièce obtenue postérieurement permettait de démontrer le mensonge, mais l’obtention tardive de cette pièce aurait également pu être mise en lien avec la carence du défendeur plutôt qu’avec une réelle impossibilité de l’obtenir durant la procédure.
Il n’était donc pas évident d’anticiper la recevabilité du recours au regard des hypothèses mentionnées par l’article R. 4126-53 du Code de la santé publique, et la rareté de ce type de recours réduisait presque à néant la jurisprudence en la matière.
Audience et décision
Saisie du recours, la CDPI a immédiatement fixé une date d’audience très proche, afin que le recours soit examiné avant la date d’effet de la sanction d’interdiction d’exercer.
Dans une atmosphère assez particulière -tant la présidente que les conseillers admettant bien volontiers n’avoir jamais jugé de recours en révision- le Cabinet a pu exposer ses arguments sur la recevabilité du recours.
Cette recevabilité a été confirmée en cours d’audience et la question du fond du dossier a pu être abordée, strictement cantonnée à l’incidence du mensonge sur la sanction prononcée à l’encontre du médecin.
La CDPI, dans une décision rendue à peine trois jours plus tard, a accueilli le recours en révision et a commué la peine d’interdiction d’exercer en un simple avertissement.
Le Cabinet se réjouit d’avoir pu contribuer à faire renverser cette décision inique.
Si l’appel demeure une voie préférable, ouvrant droit à un réexamen complet de l’affaire, la mise en œuvre du recours en révision ne doit pas être négligée dans les dossiers dans lesquels toutes les autres issues sont fermées.
Terminons avec les mots conclusifs de la Présidente de la Chambre disciplinaire :
« La prochaine fois, prenez un avocat, présentez-vous à l’audience et surtout, abstenez-vous de raconter des salades à une juridiction ».
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